De l’histoire d’un colosse…

08 Oct 2024 11:13   /   A LA UNE, ACTUALITÉS

« Pour comprendre le présent et préparer l’avenir, il faut connaître le passé » Nul doute que certains élus Boulonnais devraient se tourner vers certaines sagesses littéraires au moment de statuer sur la situation des Tigres de Boulogne. Lorsque sur les réseaux sociaux de la Zone Nord Est, au moment d’évoquer l’inquiétante situation des félidés franciliens, le terme de « colosse » était employé, loin d’être exagéré ou galvaudé, à plus d’un titre, c’est véritablement un statut d’incontournable historique du hockey français qui doit être accolé au patronyme de l’Athletic Club Boulogne-Billancourt. Plus qu’un club. C’est un regard dans le rétroviseur que l’on vous propose aujourd’hui en ouvrant quelques chapitres de l’histoire passionnante des Tigres de Boulogne.

Avant d’ouvrir un pan de l’histoire de l’ACBB, il conviendra de faire un point sur son présent à défaut de parler malheureusement d’avenir. Difficile de passer à côté de l’annonce tonitruante du 14 mai 2024 de la ville de Boulogne de fermer prochainement la tanière des Tigres, un bâtiment jugé désormais « trop vétuste et trop cher » Quelques mois ont passé et l’incroyable mobilisation orange & grise pour sauver le monument glacé n’a eu de cesse de se poursuivre. Pour autant, à l’heure où sont écrites ces lignes, l’horizon reste très sombre pour les Tigres « En l’absence de décision claire et de communication de la Mairie quant à l’avenir de la patinoire et sa réouverture en octobre, les clubs et associations (hockey et patinage) sont livrées à eux-mêmes. L’issue ne semble malheureusement faire guère de doute, la patinoire n’ouvrira très prochainement probablement pas. » résume, Mouloud Menceur, président d’un club de hockey sur glace, certes, moribond mais qui continue la bataille « L’ACBB Hockey sur glace existe toujours et est affilié à la FFHG et a des licenciés, principalement des joueurs loisirs pour le moment qui vont s’entraîner à Dreux et engagés en championnat Loisirs L2. Au total, autour de 25 adhérents sont concernés sur la soixantaine de la saison passée. En revanche, il n’a pas été possible d’engager une équipe Séniors en Division 3. 

Quant aux plus jeunes, la situation est dramatique. Si une centaine d’enfants a pu intégrer un autre club avec l’appui de la fédération, notamment en levant les restrictions quant aux mutations en IDF, et la collaboration des clubs en question, principalement Meudon, Courbevoie, Asnières et Cergy, l’organisation familiale est chamboulée : temps de trajet, logistique de transport complexe. Environ 150 enfants n’ont pas repris le hockey. Le club travaille actuellement sur des solutions d’accueil dans une autre patinoire et souhaite s’engager en plateaux U7/U9. Les licenciés sont demandeurs. Reste à voir si nous pourrons le faire et s’il n’y aura pas de blocage municipal car nous faisons partie d’un club omnisports » Difficile de ne pas avoir de la compassion pour un club qui aura marqué l’histoire du hockey français et qui aura sans nul doute participé très fortement à sa popularisation.

Dire que patiner à Boulogne est une institution est un doux euphémisme tant la glace est ancrée dans l’ADN alto-séquanais. Dès 1852, l’empereur Napoléon III fit aménager le grand lac du Bois de Boulogne en patinoire pour satisfaire sa passion pour la glisse sur glace. Un siècle plus tard, l’aventure de la section hockey sur glace débutait, affiliée naturellement au club omnisports de l’ACBB déclaré officiellement le 02 juin 1943 avec comme siège social… la Mairie de Boulogne-Billancourt… Comme quoi, connaître son histoire… Sous l’impulsion de Jacques Lacarrière, président du Comité national de hockey sur glace, et de Georges Guérard, le président de la fédération de tutelle des sports de glace, la tanière glacée de l’ACBB était érigée et inaugurée le 21 décembre 1955, joli présent de Noël pour les passionnés de glace.

La passion, justement, c’est sans doute le terme le plus approprié pour parler de l’aventure du hockey à Boulogne. Soutenu financièrement par l’historique enseigne de distribution « Felix Potin «  créée en 1844 et disparue en 1995, le club de l’ACBB prend rapidement son envol.

A cette époque largement dominé par l’équipe de Chamonix avec comme compère l’autre mastodonte national, les Français Volants de Paris, le hockey sur glace tricolore ne pouvait qu’apprécier l’arrivée d’un nouveau compagnon de jeu. « Felix Potin, on y revient ! » le slogan publicitaire du mécène alto-séquanais se transformait rapidement pour les hockeyeurs en « numéro un, on y revient «  avec les premiers titres nationaux glanés 1957, 1960 et 1962. Mais là où l’ACBB obtiendra ses lettres de noblesse, c’est à l’international avec le gain de la Coupe Spengler à trois reprises qui plus est consécutivement de 1959 à 1961. Pour bien comprendre l’enjeu historique, il convient de rappeler que la Coupe Spengler est la plus ancienne compétition internationale de club de hockey sur glace  après celle de la Coupe Stanley aux Etats-Unis. Créée en 1923 et nommée du nom de son co-créateur, c’est encore à ce jour à Davos en Suisse qu’elle se déroule. Si en 1933, les rapides de Paris s’inclinaient en finale face aux locaux de Davos, l’ACBB reste à ce jour le seul club tricolore à avoir soulevé la fameuse coupe.

Son mécène en déroute financière, l’âge d’or de l’ACBB était passé et son histoire basculait à l’orée des années 70 avec le début de la semi-professionnalisation du hockey sur glace. Dans l’impossibilité de suivre et sans réelle intention de le faire, l’ACBB lâchait l’affaire lors de la saison 1971-1972. Pour autant, l’histoire si riche de ce club était loin d’être terminée. Fidèle à ses principes, peu à peu l’histoire glissera vers la formation des jeunes hockeyeurs jusqu’à devenir une place forte de la formation en Ile-de-France et bien au delà des frontières franciliennes. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les puissantes attaches franciliennes des jeunes joueurs émancipés comme Logan Giner à Anglet, Nathan Ferreira-Reis au Mont-Blanc ou enfin le Dragon de Rouen, Jordan Hervé, champion de France en 2023-2024 qui n’a surtout pas oublié la « patrie orange & grise « Le club de l’ACBB est toute mon enfance : mes premiers coups de patin, mes premiers copains, mes premiers matchs et tournois. Tous ces moments sont les meilleurs souvenirs d’une vie quand tu es jeune et que tu prends un tas de plaisir à venir aux entraînements, que tu rigoles avec tes copains et encore plus il n’y a rien de mieux. C’est aussi dans cette patinoire que j’ai appris toute la base de mon hockey grâce à des coachs incroyables qui m’ont beaucoup appris et m’ont donné envie dès le début. Les tournois emblématiques avec tous les parents et joueurs qui se rassemblaient pour un. moment de fun c’était vraiment sympa. L’ACBB restera pour moi un des meilleurs moments de ma vie et un club avec des coachs et des amis que je remercierai jamais assez pour ce qu’ils ont pu faire de moi !«

Reste désormais à conclure ce très partiel éclairage sur ce colosse parisien aux pied de fer mais à la maison d’argile pourtant située rue Victor Griffuelhes du nom du syndicaliste du début du 20ème siècle, homme de conviction, d’engagement et de tous les combats. L’histoire est décidément bien taquine.