Après deux premiers épisodes très animaliers (épisode I & épisode II), c’est vers les mythes & légendes que l’on va se tourner désormais pour le troisième opus de notre série consacrée aux surnoms des équipes de la Zone-Nord-Est. Des Dragons de Rouen à ceux de Metz en passant par les gargouilles de la Cathédrale d’Amiens, c’est un épisode empli d’allégories que nous vous proposons aujourd’hui.
Fondement incontournable de la formation au sein de la Zone Nord-Est, le club d’Amiens à l’histoire riche depuis sa création en 1967 n’aura pas toujours porté le surnom de Gothiques. D’abord des Renards à partir de 1985 puis des Ecureuils en 1987 pour son 20ème anniversaire en référence à son sponsor principal la Caisse d’Epargne, c’est finalement en 1990 que les Gothiques deviennent des Gothiques suite à un douloureux chapitre de son histoire marqué par une forte turbulence financière. Oubliées les couleurs « bleu et rouge » de la ville d’Amiens, place désormais au « rouge & noir » et un nouveau surnom, Gothiques, une référence évidente à sa Cathédrale Notre-Dame d’Amiens, classée monument historique en France depuis 1862 et au patrimoine de l’UNESCO depuis 1981. Construite entre 1220 et 1288 pour le gros œuvre et achevée en 1402 avec le couronnement de la tour nord, la Cathédrale d’Amiens symbolise le modèle idoine de l’art gothique en opposition à l’art roman plus en vogue du Xe au XIIe siècle. Référence en matière d’arc brisé et de croisée d’ogives, le monument historique est un symbole du gothique classique & du gothique rayonnant avec ses nombreuses gargouilles, animaux fantastiques ou monstrueux sculptés sur les pierres saillantes des édifices gothiques, à la fois motifs de décoration & d’utilité pour rejeter les eaux de pluie à distance des murs.
Rivaux désignés dans la plaine, Rouen & Amiens partagent plus que cette rivalité glacée. En effet, ils ont en commun également leur goût pour l’art gothique. La plus vaste de France pour la cathédrale Notre-Dame d’Amiens, la plus haute pour la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption de Rouen, point commun supplémentaire entre les deux, l’implication des deux monstres du patrimoine historique français dans le surnom des équipes de hockey sur glace.
Sujet à plus de controverses que son voisin amiénois, le surnom des Dragons est apparu en 1985, les hockeyeurs rouennais étant présentés comme des Dragons par le journaliste Claude Harlee comme symbole d’une volonté farouche de vaincre au besoin en se faisant craindre. Là où l’histoire est plus floue c’est que c’est bien plus tard que l’explication sera donnée. D’abord attribué aux proues des Drakkars très normands comme ceux de Caen (lire par ailleurs), les navires vikings étant ornés de Dragon sculptés à l’avant du bateau, c’est finalement une toute autre thèse qui sera adoptée par la communication du club pour donner vie au surnom du Dragon.
Sans doute un peu plus « vendeurs » que les drakkars vikings, l’origine des Dragons tiendrait d’une légende du VIIè siècle. Alors appelée encore sous sa forme latine, Rothomo dérivée de l’origine gauloise Ratumacos, la ville était alors sous l’emprise terrifique d’un sacré méchant Dragon plutôt enclin à brûler les récoltes et tout ce qui n’était pas à son goût.
Combattu par Saint-Romain, évêque de Rouen, le taquin Dragon fut tué et brûlé sur le parvis de la cathédrale, pas l’actuelle construite bien plus tard à partir de 1035 mais une version bien plus ancienne. Les cendres du Dragon jetées dans la Seine échouèrent sur les rives de l’actuelle Ile Lacroix lieu ou cohabitent l’âme de ce Dragon ancestral et la patinoire des Dragons actuels.
De façon évidente, il n’était pas simple d’être évêque en ces temps tumultueux. Alors que l’évêque Saint-Romain se chamaillait avec le Dragon de Rouen, celui de Metz, quelques siècles auparavant, Saint-Clément avait également eu fort à faire avec le « Graoully » selon la légende. Animal peu sympathique à l’apparence d’un Dragon ou de grands serpents selon les versions, vivant dans l’arène de l’amphithéâtre de Metz, le Graoully avait pris la singulière habitude de ravager la ville.
Envoyé pour évangéliser la ville, Saint-Clément pris le Dragon par les cornes et le bouta hors de la ville. Chassé ou noyé dans la Seille, un affluent de la Moselle, les versions divergent et évoluent au fil du temps, le Graoully ne fit plus parler de lui après cette intervention divine. Resté dans le patrimoine culturel de la ville de Metz comme symbole de la lutte de l’église catholique contre le péché et le paganisme, le Graoully sera repris par le Football Club de Metz sur son blason jusqu’en 2021 avant d’être arboré fièrement par le club de rugby local et le Hockey Club de Metz qui prend ce surnom pour sa belle renaissance en 2018.